Entrevue par Martine Boucher
Plusieurs couples souhaitent accoucher en maison de naissance, mais ressentent différentes craintes ou inquiétudes sur cette pratique qui est de plus en plus utilisée. Pour ma part, j'avais envie d'accoucher en maison de naissance, mais mon conjoint n'était pas sécure. L'accouchement serait une première tant pour lui que pour moi, j'ai donc choisi d'y aller ''safe'' et d'accoucher à l’hôpital. Cette entrevue avec Mylène démontre le professionnalisme des équipes en maison de naissance et la qualité des soins peu importe les conditions de l'accouchement. Merci à Mylène de nous en apprendre davantage et de briser certaines appréhensions reliées à un accouchement avec sage-femme dans une maison de naissance.
Pourquoi as-tu choisi d’accoucher en maison de naissance?
Lorsque j'ai su que j'étais enceinte je savais que je voulais vivre mon accouchement et non me le faire subir. Ma sœur aînée a elle-même accouché à la maison et c'est de son expérience que l'inspiration m'est venue. J'ai téléphoné à la maison de naissance à 5 semaines de grossesse et vu la date prévue de mon accouchement, ils m’ont répondu qu'ils ne prévoyaient pas avoir de sage-femme disponible, car ils avaient atteint leur maximum de maman en suivi. J'étais déçue. Vraiment! Ils m’ont mis sur la liste d'attente sous toute réserve d’un changement. Je me suis donc dit que j'allais me faire à l'idée et que je devrai aller à l'hôpital. J'avais choisi l’hôpital de Lasalle. J’ai eu 2 rencontres avec la médecin. On a écouté le cœur pour la première fois là-bas. J'avais commencé les démarches pour obtenir les services d'une accompagnante à la naissance qui m’accompagnerait lors de l'accouchement car je tenais vraiment à avoir un soutien supplémentaire pour m'aider à vivre cet accouchement, encore plus maintenant car j'allais devoir être à l'hôpital. Bref, j’ai eu toute une surprise rendue à la 22 semaines de grossesse lorsque j’ai reçu un appel de la maison de naissance me disant qu'une place s'était libérée pour moi et que je pouvais la prendre. Sur le coup je leur ai répondu que j'allais les rappeler pour y penser. J'étais tellement surprise car je ne m'y en attendais plus du tout! Après avoir parlé avec mon conjoint et avec ma sœur, j'ai rappelé pour dire que je prenais la place. C'était un peu brusque car j'avais arrêté d'en discuter avec mon conjoint et là j'ai dû mettre de la pression pour le convaincre rapidement.
Comment a réagi ton conjoint?
Nous sommes allé à une session de rencontre à la maison de naissance car il était très anxieux
. La rencontre informative était pour expliquer en quoi consiste le choix de donner naissance en maison de naissance, répondre aux questions, visité les lieux... Pour ma part, je savais que c'était le bon choix. Nous avons choisi de procédé à mon accouchement en maison de naissance et non à la maison. Cela nous rassurait plus; Surtout mon conjoint.
Quelles étaient tes craintes face à l’accouchement?
Je n'ai jamais eu de craintes durant ma grossesse face à l'accouchement. Mes craintes étaient plus face aux interventions en milieu hospitalier.
Comment t’es-tu
préparé à ton accouchement?
Durant la grossesse, j'ai fait beaucoup d'exercices sur le ballon, ça me faisait du bien et je faisais des sons profonds. J'ai
aussi fait de l'aquaforme vers la fin. En fait, je n’ai pas fait tant de chose pour m'y préparer. J'ai lu des récits d'accouchement naturels. Lire ces textes, me chargeait de confiance en moi. Je me sentais comme une superwoman prête à tout! Je les dévorais! Avec le recul par contre je pense que je me serais mieux préparé. On avait un restaurant. J'ai travaillé comme serveuse jusqu'à ma 33e semaines. Mon conjoint travaillait jusqu'à 80 heures par
semaine. Disons qu'on était pas mal occupé! C'est ma sage-femme qui m'a dit de me calmer car la tête de mon bébé était accotée sur mon col.
Quels étaient tes
souhaits pour ton accouchement?
Mon
accouchement était dû le 15 juin et c'était la haute saison qui commençait au
restaurant. Le souhait que nous avions était en fait
que je n'accouche pas la fin de semaine du 15-16 Juin 2013. Le 15 était un
samedi et il y avait l’événement de l'année sur la rue, une exposition de plus de
500 voitures antiques et cela apportait plus de 15 000 visiteurs cette journée-là.
Puis, le dimanche, c'était la fête des pères! En tant que restaurateur, tu peux
t'imaginer ce que ça signifiait pour nous! L'enfer, le bordel! Mis à part ce facteur
stressant, je souhaitais juste accoucher naturellement; Y arriver toute seule! C'était mon premier accouchement alors je n'avais pas d'expérience antérieure
pour me guider dans mes souhaits.
Raconte-moi comment a
commencé ton travail?
Alors que nous étions en train de finir un film un vendredi
soir, le 14 Juin à 23h30, j'ai eu ma première contraction. J'étais tellement
surprise, et incertaine à savoir si c'était ça que je n'ai rien dit à mon chum sur le
coup. Il allait se coucher car le lendemain allait être une très grosse et dure
journée pour lui. Je suis allé me coucher moi-aussi, mais mes 2 yeux étaient grands ouverts. Aux 20-25 min, je sentais cette petite vague. Vers 2h du matin, j'ai dit
à mon chum ce qui se passait. On était les deux à se regarder et à partager deux émotions opposées : L’excitation et le stress (à cause du restaurant). Je n'étais
pas capable de dormir, mais pas du tout, pas tant parce que les contractions
étaient fortes mais j'étais trop énervée. J'ai appelé ma sage-femme vers 4h00 du matin pour lui dire que ça venait de commencer. Elle m'a dit d'aller prendre un
bain pour voir si ça allait s'arrêter. C'était très régulier et en douceur. Les
contractions ont fait leur chemin toute la journée samedi le 15, ça avançait
pas vite. J'étais avec ma mère à la maison, on a marché et marché encore. Je n'étais
pas capable d'endurer les contractions en étant couchée. Je sautais en bas du lit
chaque fois. Toutes mes contractions étaient au dos et la douleur raisonnait
jusque dans mes jambes. Aurais-tu imaginé ça à l'hôpital !? Vers 18h, j'ai téléphoné à mon chum pour lui dire de s'en venir à la maison. Entre-temps, j'avais parlé avec ma sage-femme quelques fois et elle m’écoutait prendre les
contractions. C'est fou comme elles peuvent savoir où en est le travail que
par les sons qu'émettent les femmes en contractions! On s'est finalement donné
rendez-vous à la maison de naissance vers 21h30. J'étais régulière aux 3-4
minutes. Le trajet jusqu'à la maison de naissance était interminable! Les 20 minutes le
plus longues de ma vie! Rendu sur les lieux, j'ai pleuré en voyant ma sage-femme. Je me suis senti nerveuse pour la première fois.
Je me rappelle qu'elle m'a demandé la permission de me faire un toucher vaginal pour voir où j'étais rendu. Ça, il ne te le demande pas en milieu hospitalier, ils exécutent. Ton corps leur appartient. Ça fait toute la différence ! Ce respect-là, vaut de l'or.
Comment s’est déroulé ton accouchement?
La progression se faisait si lentement, je commençais à être
épuisée lorsque la poussée s'est déclenchée dans le bain vers 5h du matin. Ça, je vais
m'en souvenir toute ma vie de ce moment! J'étais si connectée avec moi-même que
j'ai senti cette décharge d'adrénaline dans mon corps, violente, qui m'a
submergé en un instant. Les contractions ont passé du dos au ventre. Là j'ai
commencé à crier. Mon chum est arrivé à la course avec ma sage-femme pour me sortir du bain. Mon corps entier tremblait comme une feuille.
Dans les moments qui ont suivi, j'ai aussi réalisé la
différence entre un médecin de garde qui te crierait de pousser et une
sage-femme qui t'explique ce que ça veut dire de pousser, ce que tu
devrais sentir en dedans de toi et comment le faire. On va se le dire,
quand tu n'a jamais accouché tu ne sais pas du tout comment '' pousser'' !
C'était long, long, long et un moment donné ils m’ont mis le
masque d'oxygène. Je n'y arrivais plus, la tête était là, mais elle ne sortait pas. Le cœur du bébé commençait à décélérer. Ma sage-femme était si calme, je n'ai
jamais senti, la moindre panique. Seulement là, il fallait qu'il sorte. Puis, j'ai
entendu: ''On appelle l'ambulance!'' J'étais si épuisée que je n'en ai pas
fait de cas. On dirait que je savais que tout irait bien. Les ambulanciers sont
arrivés et j'avais perdu toute pudeur. J'étais là debout, toute nue, à leur dire
de m'enlever cette jaquette trop chaude, car j'avais chaud comme une fille qui
avait fait un triathlon dans le Sahara. Une fois dans l'ambulance avec mon chum
et ma sage-femme, le cœur du bébé était redevenu normal, comme si on lui avait
donné une pause. Mes poussées continuaient, mais avec parcimonie. Une fois transférée dans une chambre d'hôpital, j'ai dit à mon chum que j'allais être capable et je lui ai demandé de
me donner de la force. On a recommencé le travail et ma sage-femme était près
de moi. Je lui ai dit que je ne voulais pas de césarienne. Cette idée me faisait paniquer et je me suis dit qu'après 27 heures de travail cela ne pouvait pas se
terminer ainsi. J'ai poussé avec mon chum qui a littéralement embarqué sur le
lit pour me serrer dans ses bras et pousser avec moi. Quand on a entendu la
docteure dire que la tête était sortie, j'ai lâché prise. J'avais tout donné, même
ce que je n'avais pas. J'ai dû avoir une épisiotomie car Thomas n'avait pas fait
sa rotation comme il faut dans sa descente et il se présentait la tête dans le
mauvais angle. C'est la raison pour laquelle, ça n'avançait pas rapidement.
Après l'accouchement, ma sage-femme m'a montré mon placenta, je lui ai touché. Par la suite, j'ai dit à une gentille infirmière qui était avec nous que je ne voulais pas qu'elle lave mon bébé. Je voulais qu'il garde son vernix. Il en avait beaucoup sur sa peau. Ensuite, ma sage-femme m'a fait signer les refus de voir le pédiatre pour repartir vite à la maison de naissance afin de se reposer.
Après l'accouchement, ma sage-femme m'a montré mon placenta, je lui ai touché. Par la suite, j'ai dit à une gentille infirmière qui était avec nous que je ne voulais pas qu'elle lave mon bébé. Je voulais qu'il garde son vernix. Il en avait beaucoup sur sa peau. Ensuite, ma sage-femme m'a fait signer les refus de voir le pédiatre pour repartir vite à la maison de naissance afin de se reposer.
Quels étaient les
accommodements mis à ta disposition à la maison de naissance?
Après avoir constaté que mon col était juste ouvert à 4,
elle m'a suggéré d’aller dans le bain tourbillon. Pour moi, ce fût le
bonheur! J'y ai passé la majorité de mon temps. Les jets étaient tout un
soulagement et j'y entrais dans ma bulle. Je voulais être seule dans la
salle de bain. Entre les bains, je sortais et marchais dans la chambre. Mon
chum me massait le bas du dos, me faisait des points de pression... De temps à
autre, ma sage-femme entrait très discrètement dans la chambre pour venir écouter le
cœur du bébé. C'était très tranquille! C'était la nuit, dans ma chambre aussi.
Je vivais mon accouchement comme je le voulais, dans l'intimité de mon couple, comme
lorsque qu'on a fait cet enfant. L'accouchement devrait toujours se passer
ainsi! Créer la vie et donner la vie sont des pairs.
Comment se sont passé
les heures suivant l’accouchement? Comment t’en es-tu remise?
Une
fois revenu à la maison de naissance, une heure après avoir accouché, nous
étions si bien. J'ai eu un repas exquis! Je me suis reposé en faisant du peau-à-peau dans le grand lit avec mon bébé et mon chum. C'était divin! Mon chum a dû
repartir au restaurant, mais ma mère est venue me voir avec mes sœurs. Je suis resté à la maison de naissance les 24 premières heures suivant mon accouchement. Mon
accouchement fut très éprouvant! Ça m'a pris un bon 10 jours afin de m'en remettre, mais ma fierté d'avoir réussi à mettre cet enfant au monde seule, sans
intervention ni épidurale dans un milieu sain et zen, (à part mon 15 min à l'hôpital) vaut de l'or.
Si c'était à refaire, choisirais-tu encore d'accoucher en maison de naissance avec une sage-femme?
Je recommencerais l'expérience sans hésitation
pour une seconde grossesse, si seconde grossesse il y avait. Mon seul regret
est de ne pas avoir eu le temps de connecter avec ma sage-femme, vu ma
grossesse avancée lors du début du suivi.
Par
rapport à la préparation à la naissance, j'essayerais peut-être
l'hypno-naissance, avoir plus de traitements en ostéopathie pour être
certaine que mon bassin soit bien enligné. Somme toute, je ne regrette
rien.
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